J’inaugure un nouveau type d’article: l’exploration rapide d’un domaine. Le but est d’offrir une vue d’ensemble d’un domaine en listant quelques entreprises (3 pour cette articles) qui peuvent être intéressantes (ou non) d’un point de vue investissement. Le but n’est pas de creuser ici chaque entreprise, ni de chercher un prix, mais de vous donner quelques pistes à regarder. Enfin je rappelle qu’un secteur porteur ne veut pas dire que toutes les entreprises d’un secteur sont correctement valorisées (cf Tesla et autre Nikola pour le domaine des voitures électriques).
On démarre donc cette série avec le domaine du nucléaire. Pourquoi? C’est au coeur de l’actualité, que ce soit des mouvements de troupes en Ukraine, le fait que la Chine manquant de réacteurs va réaliser le record de consommation de charbon cette année, ou encore que la France (ou même l’Europe de l’Ouest, vu que les Belges et Allemands comptaient sur nous) pourrait être un peu limite durant l’hiver en terme de production d’électricité (majoritairement dû à des délais de maintenance).
Et si les politiques prennent les bonnes décisions pour assurer une meilleure indépendance énergétique à l’Europe, la construction de nouvelles centrales sera une source de chiffre d'affaires importante pour les entreprises du secteur. A moins que les Verts et Greenpeace nous gardent dans le luddisme et l’obscurantisme de l’éclairage à la bougie 😇.
Alors quelles entreprises regarder dans ce domaine? On commencera par EDF, l’énorme mastodonte en charge du parc nucléaire français. Qui dit central, dit conception, projets et autres besoins lors du cycle de vie. Ce sera l’occasion de regarder Assystem, qui a est, en passant, actionnaire d’une des filiales d’EDF !
Enfin, côté maintenance puisque c’est le cœur du sujet “chaud” (oups :) ) de l’hiver, on ira fouiller du côté de Gerard Perrier Industrie.
Bref, trois entreprises différentes, avec un point commun pour toutes: le nucléaire au cœur (😀) de leur business!
EDF
Entreprise bien connue de tous les français, il s’agit d’un producteur d’électricité, essentiellement bas ou zéro carbone (si vous comptez ou non le cycle de vie complet). Le cœur des 500+ TWh de production électrique est assuré par des centrales nucléaires.
Que ce soit en direct, ou via des filiales, EDF assure la production, le transport et la distribution de l’électricité en France. A l’étranger il s’agit le plus souvent de prise de participation dans des producteurs et d’une activité de production.
Le business model est plutôt simple en théorie, il s’agit de produire de l’électricité décarbonée au prix le plus faible, et de le revendre avec une marge à des clients industriels (contrat long terme) ou des clients particuliers.
Jusqu’ici très simple. Sauf que l’électricité n’est pas une ressource comme les autres. D’une part, elle est difficilement stockable, donc on ne peut pas comparer la production d'électricité à celle de biens. D’autre part, il y a un important mille-feuille administratif de contraintes: l'État contrôle le prix pour les particuliers, l’Union Européenne a forcée une concurrence “virtuelle” qui à été traduire en france par l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) qui force EDF à vendre des MWh à prix réduits aux nouveaux entrants.
Ah oui, si vous n’étiez pas au courant de ces derniers mois, l’Etat est actionnaire (à 80% et va racheter le reste en bourse).
Les points fort d’EDF:
Vous adorez les actions relativement stable (depuis 2012) avec un gros dividendes, même si cela obère drastiquement les capacités d’investissements.
Le coût de production d’un MWh est assez faible (avant toutes les charges) et est vendu, "grâce" au système européen, au prix de la dernière centrale appelée (donc systématiquement plus cher)
Les points faibles d’EDF:
Le prix de vente est régulé y compris la vente au concurrents (et obligatoire, quota ARENH)
L’Etat est actionnaire,
l’Etat français est plutôt un mauvais actionnaire: demande de dividende très importante
Les investissements nécessaires n’ont pas été fait en temps et en heure
Il s’agit d’une ancienne entreprise publique, et généralement la gestion n’y est pas optimal (cf: SNCF, La Poste, les organismes de Secu et autres assurances retraites)
D’un point de vue très récent: sortie de cote en prévision avec un prix actuel proche de l’offre. Il n’y a aucune raison que l’Etat augmente le prix et peu de chance que les quelques procès lancés donne quelque chose
En bref, EDF n’a rien à faire en bourse, et son actionnaire principal mélange gestion de l’entreprise, gestion des finances publiques et politique. EDF dépensent d’importante sommes contraintes (ARENH) ou pour la production d’énergie moins rentable, là où la quasi totalité des bénéfices devraient être réinvestit dans la construction de centrales nucléaires et l’amélioration du réseau de transport et distribution (bref, permettre à la France d’avoir une bien meilleur autonomie en production d’énergie).
Assystem
Assystem c’est un peu une ESN (Entreprise de Services du Numérique, le nouveau nom des SSII) mais… pas comme les autres.
Il s’agit plutôt d’une ESN orientée industrie et dont le domaine principal est le nucléaire (68% du CA).
Concernant les services offerts par Assystem à ses clients, il y a un peu plus de diversité: étude, conception, gestion de projet, conformité, toutes les problématiques liées au numérique dans le nucléaire et la production d’énergie en général.
On notera deux participations intéressantes. Tout d’abord une participation de 5% dans Framatome, une filiale… d’EDF, spécialiste de la conception et réalisation de réacteurs nucléaires. Cela à un petit côté ‘marché Japonais’ avec un fournisseur qui prend des parts d’un de ses clients.
Par ailleurs, il y a un reste de la cession d’Expleo à Ardian. Expleo était la partie “ESN standard” d’Assystem, qui à été vendu pour recentrer Assystem sur le nucléaire.
Les points forts d’Assystem:
Une expertise importante dans le domaine du nucléaire et une large couverture des besoins possibles des clients.
Une source de cash et de revalorisation possible via la vente des participations dans Framatome et dans Expleo (suite à un LBO de Ardian) dans les années à venir. Plus d’info dans cet entretien avec le dirigeant.
Les événements politiques récents ont remis le nucléaire au centre des options d’énergie bas carbone: entre la maintenance des centrales existantes et la construction de nouvelles, le marché potentiel s’est soudainement agrandi de manière importante.
Les points faibles d’Assystem:
Gros changements à venir dans le marché du nucléaire, mais soumis à des forces politiques importantes: augmentation de la part de construction côté nucléaire, là où Assystem fait beaucoup de maintenance ou de petite conception. Quid de leur adaptation?
Faible diversification des domaines et activités: le cœur du réacteur ( :) ) c’est l’étude et conception dans le nucléaire. La moindre baisse d’activité dans ce domaine sera très impactante pour l’entreprise.
Risque de souffrir des aléas des SSII/ESN: réduction des coûts -> négociation à la baisse, risque de turnover important (15%, le taux actuel est considéré comme “normal”), difficulté de recrutement des ingénieurs en général.
Gerard Perrier Industrie
GPI est un groupe qui fabrique des équipements électriques ou électroniques et surtout un spécialiste des automatismes industriels. Parmi ses marchés couverts, GPI est très implanté dans le secteur de l’énergie et du nucléaire, d’où sa présence dans cet article d’exploration.
Il faut voir cette entreprise comme un groupe, composé de multiples filiales de tailles différentes et chiffre d'affaires différent couvrant un spectre très large de métiers autour de l'électronique: étude, conception de matériel, fabrication, installation, et maintenance. On notera aussi la présence d’un centre de formation (et au sein de ce centre, un département - une “académie” selon le langage interne - pour la formation dans le domaine du nucléaire)
Les points forts de GPI:
Domaines et activités diversifiés: du nucléaire, mais pas que. La répartition du CA est d'environ 30% pour chaque “branche” majeure: Installation et maintenance / Fabrication et spécialistes métiers / Energie.
Un actionnariat familiale solide: la holding Amperra est là pour assurer la continuité familiale
Un fond de PE solide au capital (Siparex)
Pour les fans de dividendes, des dividendes assurés pendant quelques années grâces aux ou à causes des besoins de la Holding (suite au LBO)
La prise en compte des changements à venir: centre de formation, filiales orientées numériques.
Les points faibles de GPI
Croissance régulière mais dividende important, on ne pourra pas avoir de la croissance rapide
Actionnariat et implication familiale: il y a toujours un risque “Lagardère”, c’est à dire tomber sur un héritier moins bon gestionnaires que ces prédécesseurs
Flottant faible, seulement 14% est disponible pour les actionnaires individuels
Activité industrielle, il faut faire attention à ne pas louper d’innovation majeure
Pour explorer un peu plus du côté de GPI, j’espère que vous aimez les threads Twitter:
En anglais, un thread de @FoxCastlehold:
Toujours en anglais, un autre de @FRValue:
En français, plus spécifique sur le LBO du coté de la holding (toujours @FRValue)
Pour la suite
On a donc ici 3 entreprises très différentes dans le domaine du nucléaire. Si avoir du nucléaire dans votre portefeuille français vous intéresse, je vous invite à creuser un peu plus ces entreprises. Enfin deux d'entre elles.
Je ne vais pas toucher à EDF, au sens propre comme figuré, même s’il y a probablement plein de choses à apprendre d’un groupe industriel comme celui-ci, au mieux dans un livre, sûrement pas en y investissant. La meilleure place chez EDF c'est le client individuel au tarif réglementé ou salarié (encore faut-il supporter l’environnement et… certains syndicats).
Et de toute façon sauf changement de dernières minutes l’offre de retrait obligatoire aura lieu donc ça ne sera bientôt plus dans le périmètre du blog.
Concernant Gerard Perrier Industrie et Assystem, si le temps me le permet, j’ai dans l'idée d'écrire un article par entreprise afin de les publier dans cette newsletter.
Disclaimer: actionnaire Gerard Perrier Industrie et Assystem
DLSI aussi pour jouer indirectement le nucléaire français ?